L'actuel département de l'Eure, créé en 1790, regroupe d'anciennes circonscriptions religieuses et administratives, sans unité historique proprement dite, sinon son appartenance à la Normandie. De nombreux sites préhistoriques (Porte-Joie, Pinterville, Houlbec-Cocherel...) attestent une implantation humaine très dense dès les époques les plus reculées.
Trois peuples gaulois occupaient les vallées : les Véliocasses dans le Vexin, les Lexovii autour de Lisieux et les Aulerci Êburovices dont la capitale, Mediolanum, devint Évreux. La civilisation romaine favorisa l'extension des villes telles que le Vieil Évreux et Berthouville (dont le trésor est conservé à la Bibliothèque nationale, au cabinet des Médailles). Mais, à la fin du 5e, les Francs occupaient Évreux tandis que saint Taurin commençait l'évangélisation des populations. Les Mérovingiens et les Carolingiens respectèrent l'organisation mise en place par l'Église ; ils possédaient dans la région de nombreux palais (Dagobert à Étrépagny, Charles le Chauve à Pitres). A la suite des invasions normandes, Charles le Simple céda au chef Rollon la région comprise entre l'Epte et l'Oise, à l'exclusion (pour des raisons stratégiques) du Vexin français (traité de Saint-Clair-sur-Epte, 911).

La prospérité du nouveau duché au
11e favorisa les fondations monastiques (Bernay, le Bec-Hellouin), le développement des églises rurales et l'adoption d'institutions précises. La puissance grandissante de l'État anglo-normand provoqua une réaction des rois de France qui, avec la prise de Château-Gaillard (1204), réunirent la Normandie à la France. Les comtés d'Évreux et Beaumont échurent en apanage à une branche cadette de la famille royale dont un membre, Charles de Navarre, dit le Mauvais, se posa en rival du roi et fut défait à Cocherel en 1364 par Du Guesclin. La paix ramena la prospérité que troublèrent à peine les guerres de Religion. Ce fut pourtant à Ivry-la-Bataille, qu'Henri IV triompha de la Ligue en 1590.

La Révolution fut, elle aussi, très modérée (bataille de Brécourt dite" bataille sans larmes "). Sous l'Empire, Joséphine, répudiée, fut installée au château de Navarre près d'Evreux. En 1848, l'Eure fournit un président au gouvernement provisoire: Dupont de l'Eure. La vocation rurale et industrielle (textile et métallurgie) du département s'affirma pendant tout le 19e. Malgré les importantes destructions de 1940 et 1944. (Évreux, Louviers, Les Andelys), l'Eure reste un centre touristique très fréquenté en raison de son patrimoine très riche (environ 250 châteaux et manoirs) et de sa situation très accessible entre Paris et la côte normande.



Les Arts
Carrefour géographique, le département de l'Eure vit converger vers lui les influences artistiques les plus diverses. Le matériau utilisé dans la construction est également très varié (bois, brique, pierre, pisé, silex); les toits sont couverts de tuiles, d'ardoise, d'essentes ou de chaume.

Les édifices religieux : outre les petites églises rurales dignes d'attention, l'Eure possède de grands édifices tels au 12e la cathédrale et l'église Saint-Taurin (avec sa châsse 13e) à Évreux, ou la collégiale d'Êcouis fondée par Enguerrand de Marigny qui abrite une remarquable statuaire 14e et 15e.
Après la guerre de Cent Ans, le gothique flamboyant produit de véritables chefs-d'œuvre à Louviers, Pont-de-l'Arche, Verneuil, Les Andelys.
L'art de la Renaissance se répandit très tôt grâce à l'influence du cardinal Georges d'Amboise, à Gaillon, à Tillières, à Gisors, à Pont-Audemer. Les abbayes normandes ont été, à juste titre, remises à l'honneur. Parmi les plus célèbres figurent celle de Bernay, dont l'abbatiale est l'un des plus vénérables édifices romans de Normandie; celle du Bec-Hellouin, haut-lieu de la culture médiévale, où la puissante tour Saint-Nicolas du 15e domine les majestueux bâtiments mauristes du 18e; celles de Mortemer, de Bonport et de Fontaine-Guérard ou de Beaumont-le-Roger dont les ruines rappellent la splendeur passée.

L'architecture civile : nombreux sont les vestiges des châteaux forts qui défendirent les Normands contre les Français, puis ceux-ci contre les Anglais ou réciproquement : si de Brionne, Verneuil, Vernon, il ne reste qu'une tour majestueuse, en revanche, Conches, Gisors et surtout l'altière forteresse de Château-Gaillard témoignent de la perfection à laquelle était parvenue l'architecture militaire.
Du Moyen Âge subsistent aussi des châteaux et demeures à l'allure moins guerrière, tels le château d'Harcourt, la tour de Thevray ou le manoir de Chauvincourt, ainsi que les maisons anciennes qui agrémentent encore les rues tortueuses de nombreuses villes comme Verneuil, Pont-de-l'Arche, Vernon, Pont-Audemer, Lyons-la-Forêt, Louviers ou Bernay. Ce n'est qu'après le rattachement à la France que les seigneurs purent, au lieu de maisons fortes, construire de belles demeures dans le goût de la Renaissance ou du classicisme : tout près d'humbles demeures surgissent d'élégants manoirs et de prestigieux châteaux : Beaumesnil qui passe pour l'un des plus beaux châteaux Louis XIII de France ; Broglie dont la sévère ordonnance est toute imprégnée de la forte personnalité de ses occupants; Gaillon dont le style italianisant en fit au 16e une œuvre d'avant-garde; le Champ de Bataille, une des demeures les plus fastueuses de Normandie; la Vacherie, un des rares exemples français du style néoclassique ; Bizy, qui, sous le second .Empire, retrouva le plan des palais italiens; Acquigny, la Folletière, Omonville, Launay, Boisset-les-Prévenches et tant d'autres.
D'autres encore unissent à la beauté des lignes, la gloire d'avoir abrité le talent d'un homme illustre : c'est Michelet à Vascœuil, c'est La Varende au Chamblac, ou encore Bernardin de Saint-Pierre à Pinterville, Paul Morand à Trianel ou Claude Monet à Giverny.